Milim, les petites histoires qui font la grande
Au cœur de notre travail chez Milim, il y a le recueil de la parole des témoins. Que ce soit dans le cadre d’une biographie familiale privée, ou dans la réalisation de podcasts mémoriels historiques, notre principale tâche est de tendre le micro aux personnes qui souhaitent nous raconter leur vie. Les destins individuels permettent de retracer les mouvements plus vastes de l’histoire, et c’est pourquoi notre travail nous passionne autant.
En cette semaine de commémoration de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, nous mesurons l’importance de faire parler les personnes qu’on appelle désormais “les derniers témoins”. Nous avons eu la chance de croiser le chemin de certaines d’entre elles, et nous savons à quel point leur récit est important pour que la transmission de l’histoire avec un grand H se perpétue, surtout dans la période trouble que nous traversons, où la mémoire nous joue justement des tours.
Parmi les premiers podcasts que nous avons réalisés chez Milim, il y a celui qui retrace l’histoire folle du Mémorial de la Shoah, dont les premières archives ont été recueillies alors que la guerre faisait rage. Nous y avons découvert des lettres, des photos et des documents rares grâce aux spécialistes que nous avons interviewés. Nous le partageons à nouveau aujourd’hui pour rendre hommage à celles et ceux qui, via les petites histoires, font la grande.
Elisa Azogui-Burlac et Myriam Levain
À lire: La maison du magicien, Emanuele Trevi (Ed. Philippe Rey)
Enfant, Emanuele a appris très vite que pour survivre dans l’orbite de son père, il était préférable qu’il reste un personnage secondaire. Emanuele n’a jamais vraiment su qui était cet homme imprévisible, dont il hérite d’un appartement encore imprégné du souvenir de vies guéries et redressées. Car son père, Mario Trevi, était un psychanalyste jungien renommé, professeur-guérisseur, “magicien” capable de réparer les êtres blessés. Cherchant coûte que coûte à résoudre l’énigme de la vie de son géniteur, Emanuele revisite l’histoire familiale, l’enfance de son père ainsi que son passé de résistant communiste. En mêlant souvenirs personnels, littérature et psychanalyse, l’auteur tente de saisir la vérité des événements et des êtres.
Ma grand-mère et le Pays de la poésie, Minh Tran Huy (Flammarion)
L’enfance, c’est cette grand-mère qui vit à la maison, élève et chérit l’autrice, si bien que c’est en vietnamien qu’elle prononce ses premiers mots. Puis Minh Tran Huy grandit, s’éloigne de cette deuxième mère, de sa langue, et oublie. Cette grand-mère si modeste, cette Bà qui n’a vécu que pour se dévouer aux autres, se retrouve à l’écart des siens, qui ne parlent plus que français. En s’adressant à Bà, elle revient dans ce roman sur le silence qui entoure son histoire familiale et tente de retracer, dans le Vietnam des années 1970 déchiré par les guerres, le douloureux chemin qui a mené sa grand-mère jusqu’en France.
Le carnet gris, Jean Siccardi (Calmann-Levy)
Louis mène une vie solitaire à Nice. Lorsqu’il hérite de la maison de ses grands-parents, Laurent et Rose Lantier, il part pour Le Broc, petit village situé sur un piton rocheux dominant le Var, qui abrite la maison familiale. Alors qu’il n’avait plus pensé à ses grands-parents depuis des années, les souvenirs affluent dès qu’il s’installe dans la maison où il a grandi, élevé par Laurent et Rose. Et un souvenir en particulier l’obsède : celui d’un petit carnet gris que lui avait remis son grand-père quand il était enfant, qu’il lui avait confié comme un secret, qu’il lui avait demandé de ne consulter qu’après sa mort et de brûler une fois qu’il l’aurait lu. Mais les années ont passé, et Louis a oublié… Ce carnet contient un témoignage essentiel et précieux car Laurent a été résistant, Laurent a été arrêté et torturé, Laurent a été déporté à Auschwitz. Autant de choses qu’il a toujours tues mais qu’il a soigneusement consignées dans son carnet gris.
L’âge fragile, Donatella Di Pietrantonio (Albin Michel)
Lucia n’a jamais quitté son village des Abruzzes. Pourtant, trente ans plus tôt, elle y a été témoin d’un crime terrible. Aujourd’hui, sa fille Amanda, partie étudier à Milan, est de retour auprès d’elle. Mais la jeune femme ne quitte pas sa chambre et s’enferme dans un silence inquiétant. Impuissante face à la détresse d’Amanda, Lucia est soudain confrontée à ses souvenirs douloureux : le drame qu’elle a tout fait pour oublier resurgit… Entre passé et présent, le roman de Donatella Di Pietrantonio explore la fragilité des relations familiales et le lien puissant avec cette terre des Abruzzes où se mêlent la beauté et la sauvagerie de la nature.
Ce que j’ai vu à Auschwitz, les cahiers d’Alter, Alter Fajnzylberg (Seuil)
La publication des cahiers d’Alter Fajnzylberg, détenu à Auschwitz-Birkenau d’avril 1942 à janvier 1945, forcé d’intégrer pendant dix-huit mois le Sonderkommando, constitue une contribution exceptionnelle à l’histoire de la Shoah. Ces écrits inédits, rédigés en polonais à son arrivée en France, entre l’automne 1945 et le printemps 1946, dans l’urgence de dire ce qu’il avait vu dans les camps, furent alors enfouis dans une boîte à chaussures - comme un secret brûlant. Il a fallu des décennies à son fils unique Roger pour les extirper du passé, les faire transcrire, traduire, et les contextualiser grâce à l’aide de l’historien Alban Perrin. Un témoignage d’autant plus important que les rescapés du Sonderkommando sont très rares, les nazis ayant veillé à éliminer tous les témoins directs de leur abominable entreprise.
À voir: Cent ans de solitude (Netflix)
Dans la ville intemporelle de Macondo, sept générations de la famille Buendía naviguent entre l'amour, l'oubli et l'inéluctabilité de leur passé - et de leur destin. Une série adaptée du célèbre roman colombien de Gabriel Garcia Marquez.
Les derniers d’Auschwitz, Sophie Nahum
Pour les 80 ans de la libération d’Auschwitz, Sophie Nahum a mis en ligne, en français et en anglais, un long métrage documentaire inédit de 70 minutes qui rassemble 28 des tout derniers témoins de ce camp, ce film choral raconte le parcours d’un déporté, de l’arrestation à la vision effrayée du présent.
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Parce que ce sont nos petites histoires qui font la grande.
Par Elisa Azogui-Burlac et Myriam Levain