Milim, les petites histoires qui font la grande
Lorsque nous avons commencé à nous intéresser aux biographies familiales, puis que nous avons créé notre société Milim pour devenir biographes à plein temps, l’idée semblait encore saugrenue ou du moins atypique, dans une époque faite de visios, de mails et de tchats. Passer de longues heures à interviewer quelqu’un pour en faire à la fois un portrait sonore très réalisé, ainsi qu’un livre avec son petit album photo à l’ancienne, avait un caractère désuet.
Mais le temps s’est accéléré puisqu’en à peine quelques années, nous nous retrouvons dans une rentrée littéraire remplie de récits de filiation. Si le thème de la famille n’a pas attendu 2025 pour s’inviter dans les livres, le format de l’exploration intime et de l’enquête intergénérationnelle semble être une tendance de fond, qui inspire autant les personnes qui écrivent que celles qui lisent.
Chez Milim, nous savons pourquoi la démarche est passionnante puisque nous la pratiquons au quotidien, et nous voyons bien que notre travail suscite de plus en plus d’intérêt, que ce soit notre production de biographies ou bien l’animation de nos ateliers d’écriture sur le thème de la famille. Aujourd’hui, nous sommes convaincues que notre offre a rencontré un public, qui s’élargit de jour en jour, et qui, en refermant l’un de ces romans, se dira peut-être : et si je plongeais à mon tour dans mon histoire familiale ?
Bonne rentrée !
Elisa Azogui-Burlac et Myriam Levain
À voir: Valeur Sentimentale, de Joachim Trier
Agnes et Nora voient leur père débarquer après de longues années d’absence. Réalisateur de renom, il propose à Nora, comédienne de théâtre, de jouer dans son prochain film, mais celle-ci refuse avec défiance. Il propose alors le rôle à une jeune star hollywoodienne, ravivant des souvenirs de famille douloureux.
En salles
Touch - Nos étreintes passées, de Baltasar Kormákur
Au crépuscule de sa vie, Kristofer, un islandais de 73 ans, se met en tête de retrouver la trace de Miko, son amour de jeunesse. Il s'envole alors pour Londres, à la recherche de ce petit restaurant japonais où ils se sont rencontrés cinquante ans plus tôt.
En salles
Fils de, de Carlos Abascal Peiró
Une semaine après la présidentielle, la France cherche toujours son Premier Ministre. Nino, jeune attaché parlementaire ambitieux, est missionné pour convaincre son père, Lionel Perrin d’accepter le poste. Mais cet éternel perdant a coupé les ponts avec la politique…et son fils. Nino se retrouve embarqué dans une course effrénée où tous les coups sont permis.
En salles le 3 septembre
À lire: Quand fleurissent les magnolias, de Georges-Patrick Gleize (Calmann-Levy)
Au début du XXe siècle, Madeleine Fourcade, 13ans, quitte la métairie familiale pour devenir domestique chez les Amiel, une famille bourgeoise du Pays d’Olmes ayant fait fortune dans l’industrie textile. Au fil des mois et des années, un amour défiant les conventions sociales, naît entre Madeleine et Louis-André, le fils aîné. Mais Germaine Amiel, belle-mère redoutable et manipulatrice, veille à préserver la réputation familiale. Tandis que les magnolias fleurissent, les destins s’entremêlent inexorablement. Entre amours interdits et guerres dévastatrices, drames familiaux et luttes sociales, Madeleine et Louis-André devront trouver leur place dans un monde en pleine mutation.
Marcher dans tes pas, de Léonor de Récondo (L’iconoclaste)
La vie d'Enriqueta bascule le 18 août 1936, quand, en quelques minutes, elle doit fuir la maison familiale d'Irun menacée par les franquistes. Ce jour-là, elle perd tout. Quarante ans plus tard, sa petite-fille, Léonor, naît française. Pourtant, lorsqu'une loi espagnole permet aux descendants d'exilés politiques d'obtenir la nationalité perdue, elle décide de la demander. Tissant souvenirs d'enfance, imaginaire romanesque et regard poétique, Léonor de Récondo se fraie un chemin vers celles et ceux que la guerre civile a voulu effacer.
La maison vide, de Laurent Mauvignier (Ed. de Minuit)
En 1976, mon père a rouvert la maison qu’il avait reçue de sa mère, restée fermée pendant vingt ans.
À l’intérieur : un piano, une commode au marbre ébréché, une Légion d’honneur, des photographies sur lesquelles un visage a été découpé aux ciseaux. Une maison peuplée de récits, où se croisent deux guerres mondiales, la vie rurale de la première moitié du vingtième siècle, mais aussi Marguerite, ma grand-mère, sa mère Marie-Ernestine, la mère de celle-ci, et tous les hommes qui ont gravité autour d’elles. Toutes et tous ont marqué la maison et ont été progressivement effacés. J’ai tenté de les ramener à la lumière pour comprendre ce qui a pu être leur histoire, et son ombre portée sur la nôtre.
Kolkhoze, d’Emmanuel Carrère (Ed. P.O.L.)
Le roman le plus attendu de la rentrée est autobiographique et raconte l’histoire d’une famille sur quatre générations, couvrant plus d’un siècle d’histoire, russe et française, jusqu’à la guerre en Ukraine. Emmanuel Carrère s’en empare personnellement, avec un art consommé de la narration qui parvient à faire de leur histoire notre histoire. Tout en plongeant dans les archives de son père, passionné par la généalogie familiale. Ce grand récit familial et historique, qui mêle souvenirs poignants, rebondissements, secrets de famille, anecdotes inattendues et géopolitique, est aussi un texte intime sur la vie et la mort des siens, et sur l’amour filial.
La peau dure, de Vanessa Schneider (Flammarion)
En revisitant l’enfance de son père, fils illégitime, ou son engagement politique, en racontant leur vie de famille et leur relation pleine de tendresse et de fureur, Vanessa Schneider essaie de rassembler les morceaux d’un père qui se refusait à être défini. Avec une distance littéraire remarquable, l’autrice dresse le portrait d’un père en même temps qu’elle dépeint une génération d’hommes érigée sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale, à la fois singulièrement libre et redoutablement égoïste.
Jacky, d’Anthony Passeron (Grasset)
Au tournant des années 1980 et 1990, Anthony et son frère jumeau grandissent entourés d’une famille paternelle soudée, dans une vallée enclavée de l’arrière-pays niçois. Entre des grands-parents aimants, une cousine atteinte d’une maladie mystérieuse et un jeune oncle plein d’entrain, ils tuent l’ennui grâce aux jeux vidéo – une passion nouvelle, transmise par leur père : Jacky. De Space Invaders à Zelda, de Nintendo à Sega, la conscience du monde dans lequel le narrateur et son frère évoluent s’aiguise avec les capacités techniques de ces étranges machines. Elles vont peu à peu s’imposer comme un refuge face aux injonctions qui pèsent sur eux, à l’ennui d’un quotidien sans horizon et aux drames qui frapperont bientôt leurs proches. Jusqu’au départ brutal de leur père.
Finistère, d’Anne Berest (Albin Michel)
Après La Carte Postale et Gabriële, Anne Berest déploie un nouveau chapitre de son œuvre romanesque consacrée à l’exploration de son arbre généalogique: la branche bretonne, finistérienne, remontant à son arrière-grand-père. Ici, la petite et la grande Histoire ne cessent de s’entremêler, depuis la création des premières coopératives paysannes jusqu’à mai 68, en passant par l’Occupation allemande dans un village du Léon et la destruction de la ville de Brest. Dans ce roman, Anne Berest poursuit sa grande exploration des « transmissions invisibles » et ses interrogations autour de la trans-généalogie.
Nous sommes faits d’orage, de Marie Charrel (Les Léonides)
A la mort de sa mère, Sarah se voit remettre pour tout héritage les clés d’une bicoque aux confins du monde, et une consigne : « Trouve Elora. » Direction l’Albanie, où elle découvre un village oublié, niché au cœur d’une montagne sauvage. Sur place, les locaux sont formels : Elora est morte il y a bien longtemps. Trois décennies plus tôt, alors que le régime despotique d’Enver Hoxha étend son joug jusque dans les campagnes, Elora et son ami Agon se font une promesse : tant qu’ils seront ensemble, tout ira bien. Tandis qu’un berger grave des poèmes sur les rochers et qu’une guérisseuse écoute les voix de la rivière, la jeune frondeuse s’engage sur le périlleux chemin de la liberté. Ses choix détermineront la vie d’une lignée de femmes, dont Sarah.
Le bel obscur, Caroline Lamarche (Seuil)
Alors qu’elle tente d’élucider le destin d’un ancêtre banni par sa famille, une femme reprend l’histoire de sa propre vie. Des années auparavant, son mari, son premier et grand amour, lui a révélé être homosexuel. Du bouleversement que ce fut dans leur existence comme des péripéties de leur émancipation respective, rien n’est tu. Ce roman lumineux est celui d’une femme libre qui n’aura cessé de se réinventer, d’affirmer la puissance de ses rêves contre les conventions sociales, avec une fantaisie et une délicatesse infinies.
Un pont sur la Seine, de Pauline Dreyfus (Grasset)
D’un côté de la Seine, le village de Champagne. De l’autre, celui de Saint-Amand. Un pont est construit à la fin du XIXe siècle pour les relier. A Saint-Amand, chez les Vernet, on est viticulteur de toute éternité. Le patriarche compte sur ses deux fils pour poursuivre l’exploitation de son fameux chasselas. En 1902, une usine ouvre à Champagne. En 1914, c’est la guerre et sa prodigieuse mécanisation. Georges Vernet prend un emploi à l’usine, son frère Lucien est tué au front. Et voici l’évolution dramatique des Vernet, à cause de ce pont qui a rattaché deux villages, deux temps, deux France. Les femmes s’en mêlent. Le jour où une fille de Saint-Amand tombe amoureuse d’un ingénieur de Champagne, l’indignation explose.
Le silence en héritage - Enquêter sur l'enfance de ses parents (Anamosa)
Bien des enfants s'interrogent sur l'enfance de leurs parents. Il arrive que la transmission du récit familial se grippe, que les silences dans l'album de famille en disent plus long que la légende des photos, que les bribes de l'histoire cachent davantage qu'elles ne dévoilent. À leur tour, les historiens peuvent être confrontés aux interrogations des descendants. Dès lors, le droit de savoir et celui de se taire sont questionnés, autant que la position des archivistes et autres interprètes des traces du passé, qui se trouvent parfois aux prises avec les secrets de famille. La quête des descendants, le droit de savoir et celui de se taire sont questionnés dans ce numéro de la revue L’Irrégulière.
À écouter: Se libérer de sa famille (Podcast Adulescence)
Dans son podcast, Louise Aubery a souhaité demander aux meilleurs experts comment affronter la vie d'adulte. Dans cet épisode, elle accueille la philosophe Sophie Galabru, avec qui elle réfléchit autour des questions : qu'est-ce que faire famille ? Et comment le faire au mieux ?
La transmission des traumatismes à travers les générations (Podcast Les Adultes de demain)
Les traumatismes transgénérationnels désignent des blessures psychiques non résolues qui se transmettent d’une génération à l’autre, de manière inconsciente. Ce phénomène repose sur l’idée que les souffrances vécues par les ancêtres, lorsqu’elles ne sont pas verbalisées ou traitées, continuent d’agir sur la psyché des descendants. Dans cet épisode du podcast Les Adultes de Demain, Bruno Clavier, psychanalyste et psychologue clinicien, explique que nous ne sommes pas uniquement le fruit de notre propre histoire, mais aussi de celle de nos parents et grands-parents.
Etre belle-mère, pas une mince affaire! (Grand Bien vous fasse)
Comment définir le rôle de belle-mère aujourd'hui ? Entre place à trouver et image ancestrale de la marâtre, comment construire une relation saine sans jamais léser les enfants au milieu de ces situations souvent difficiles ? A écouter dans le replay d’une émission diffusée cet été, avec Yasmine Oughlis, Caroline Goldman, Maxime Rovère et Marie-Pierre Carbonnet
Chaque mois, recevez dans votre boîte mail toutes les actus qui nous ont intéressées sur le thème de la mémoire et de la transmission des histoires, qu'elles soient individuelles, familiales, entrepreneuriales.
Parce que ce sont nos petites histoires qui font la grande.
Par Elisa Azogui-Burlac et Myriam Levain